Artiste Judy Chicago présente Revelations à la Serpentine North à Londres

Revelations est une fascinante retrospective du travail d’exploration de l’artiste Judy Chicago. Près de 50 ans d’interrogations sur l’histoire de l’humanité et la place des femmes dans un monde imprégné de masculinité.

Judy Chicago, une artiste engagée pour la femme

Petit bout de femme de 84 ans, l’artiste américaine Judy Chicago (née Judith Sylvia Cohen) saisit par sa stature et son sourire. Née en 1939 à Chicago, dont elle adopte le nom en 1970, elle lança la même année le premier programme d’art féministe de la University California State. Reconnue comme l’une des personnes les plus influentes au monde en 2018 par le Times magazine, elle est l’auteur de nombreux ouvrages de référence et l’ensemble de son oeuvre à fait l’objet de retrospective de par le monde depuis 2012. Elle vit aujourd’hui au Nouveau Mexique (USA).

Depuis près de 50 ans Judy Chicago défit le monde de l’art et celui des conventions en prenant systématiquement le point de vue de la femme, expérimentant méthodes et matériaux. Au travers de projets individuels ou collaboratifs, elle aborde les thèmes de la création, de la naissance, de l’identité sociale, de la masculinité, du pouvoir et de l’impuissance, de l’égalité des sexes, de la destruction et de l’extinction, adressant aussi la question de l’environnement dès les années 80.

Revelations retrace l’ensemble de la carrière de l’artiste, mettant l’accent sur ses dessins dont de nombreux rarement exposés. L’exposition comprends également des éléments immersifs audiovisuels, des enregistrements audio, des interviews de participants à l’oeuvre The Dinner Party (1974-1979), en rendant palpable la présence de l’artiste.

Le titre de l’exposition fait référence au manuscrit enluminé écrit à Chicago au début des années 1970, dont le visiteur peut acquérir une copie au magasin de la galerie (voir ci-dessous). Judy Chicago y retrace l’histoire de l’humanité avec pour objet d’y inclure celles de femmes ayant été oubliées avec ou sans intentions. L’artiste reconnait qu’elle n’imaginait pas voir cet ouvrage être jamais publié de son vivant.

“L’exposition et l’ouvrage mettent en exergue mon engagement d’une vie pour l’égalité des sexes, et mon intime conviction que l’union de tous est primordiale pour changer le paradigme patriarcal qui gouverne l’histoire et mène aujourd’hui à l’anéantissement de l’humain, de l’environnement, de la planète”, Judy Chicago (traduction la rédactrice)

Revelations, une exposition au fil des pages

L’exposition est organisée de façon thématique et suit le déroulement de l’ouvrage associé. Elle s’ouvre avec In the Beginning, fresque longue de neuf mètres, réalisée en 1982 avec les crayons Prismacolor qui signent souvent son travail .

Elle y réinvente le mythe de la Genèse d’un point de vue féminin, du corps de la femme matrice de l’univers dans son ensemble ; y incorpore tous les êtres, pas seulement humains. Féminisme et écologie ne cessent de s’entremêler dans toute l’oeuvre de Judy Chicago.

Pour l’artiste, le dessin est bien plus qu’une technique, c’est une respiration. Elle explore couleurs et formes, l’ensemble du spectre colorimétrique tel un fluide d’énergie.

Dès les années 1960, Judy Chicago produit un ensemble d’oeuvres minimalistes abstraites – dessins, peintures, sculptures. Suit dans les années 1970 ce qu’elle appelle elle-même le “coeur visuel”, et acquiert une expertise dans des domaines plus souvent associés aux hommes dans l’imaginaire populaire, tels que la pyrotechnie.

Judy Chicago témoigne de son expérience d’être femme, l’expérience du corps et de la représentation sociale. Ainsi dans “Peeling Back” (1974), elle évoque son sentiment d’être rejetée, “C’est comme si votre fleur était déchirée ” (traduction de la rédactrice), et celui d’exposer son véritable soi. On retrouve souvent la fleur dans le travail de Judy Chicago, symbole de féminité mais aussi d’un état passage, de transformation et de libération.

“Ici je suis une femme, avec le corps d’une femme et le point de vue d’une femme”, Judy Chicago (1974, traduction de la rédactrice)

Ecrits, dessins et peintures, broderies, parfois explicites, s’imposent et invitent le visiteur à la réflection sur la condition de femme et son rôle de création.

Judy Chicago traite également du lien qui existe entre féminisme et justice écologique. Particulièrement poignante est la série The End: A Meditation on Death and Extinction (2015-16) qui fait le point sur la souffrance du règne animal.

Stranded (2013), représentant un ours polaire perdu sur une banquise qui s’amenuise, a fait l’objet de #CreateArtforEarth, campagne mondiale en cours réunissant Judy Chicago, l’artiste Swoon et l’actrice Jane Fonda et son initiative environnementale Fire Drill Friday. Aux côtés d’autres partenaires, ce projet encourage chacun à soumettre œuvres d’art ou messages face à la crise climatique, et inspirent des actions pour la protection de la planète. Dans le cadre de l’exposition, les visiteurs ainsi sont invités à poursuivre l’action.

Un petit bout de Judy Chicago rien que pour soi

Avant même de pénétrer dans la galerie, le visiteur est invité par Judy Chicago à créer sa propre sculpture de volutes dans le cadre de la série Atmospheres.

“Je ne pense pas que l’art peut changer le Monde. Je pense que l’art peut éduquer, inspirer, inciter les gens à agir.” Judy Chicago (traduction de la rédactrice)

Il lui suffit de suivre le lien attaché au QR code imprimé sur le sol du parvis de la Serpentine North et de télécharger l’application Rainbow AR Judy Chicago Smoke Sculpture^TM, et de suivre les instructions pour ajouter un fumigène à son environnement, en mode réalité augmentée il va de soi.

À l’occasion de l’exposition, l’ouvrage Revelations (288 pages, £30) est publié aux éditions Thames & Hudson et SERPENTINE. Une éditions limitée de 25 copies manuscrites est également disponible (£5000 copie 1 à 5, puis par incrément de £500 pour le 5 copies suivantes ; à la date de publication de l’article). Enfin, il est possible d’acquérir une lithographie de “Wrestling with the shadow for her life” en édition limitée de 200 copies en respect des conditions d’achat stipulées par les Serpentine Galleries (£300 ; à la date de publication de l’article).

L’exposition Revelations se tient du vendredi 23 mai au samedi 1er septembre 2024 à la Serpentine North Gallery, entre Kensington Gardens et Hyde Park. En profiter pour passer par la Serpentine South Gallery et admirer le Serpentine Pavillon 2024 de Minsuk Cho, projet architectural éphémère d’accès gratuit du 7 juin au 27 octobre.