Le Pouvoir au Féminin : du divin au démoniaque

Le British Museum à Londres a choisi la date du 8 mars 2022, Journée Internationale de la Femme, pour annoncer l’exposition Feminine Power: the divine to the demonic (Le Pouvoir Féminin : du divin au démoniaque, NdR) qui ouvrira ses portes au public le 19 mai prochain. 

Cette exposition explore comment de par le monde la représentation du pouvoir féminin dans la croyance et la mythologie a joué – et continue de jouer – un rôle important dans la formation des attitudes intrinsèquement culturelles envers les femmes et l’identité de genre.

Une exposition ouverte au débat

L’exposition explore l’apparence, le rôle et la place des êtres spirituels féminins dans les croyances et traditions mythologiques d’un continent à l’autre.

“Cette exposition regorge de magie, de sagesse, de fureur et de passion. Je suis très fière qu’à travers l’étendue et la profondeur de la collection du British Museum, parallèlement à des prêts spéciaux, nous puissions raconter des histoires aussi puissantes et universelles de foi et de féminité, des cultures les plus anciennes aux traditions vivantes du monde entier. Je tiens à remercier Citi, dont le soutien continu a permis au musée de réaliser cette exposition révolutionnaire.” précise Muriel Gray, vice-présidente du conseil d’administration du British Museum, ajoutant “Cela ne pouvait pas arriver à un meilleur moment alors que les femmes du monde entier luttent encore pour leur statut et leur identité.” (Trad. dR)

En effet, la banque Citi apporte sont soutien financier au British Museum depuis 2012, favorisant l’élaboration d’expositions à partir des vastes collections du musée et d’examiner une variété de sujets et d’apporter un contexte historique à des thèmes contemporains.

Tasmin Ghiawadwala lors du discours d’ouverture.
Photo ⒸCécileFaure 

“Le British Museum est un musée au rayonnement mondial. En créant un regard stimulant sur la diversité à travers la représentation de la signification complexe du divin féminin au fil du temps, et je pense que cela arrive à un moment clé de notre société où l’on reconnaît la nécessité absolue de célébrer la diversité et l’égalité.” a déclaré Tasnim Ghiawadwala, Directrice de la Citi Global Commercial Bank, lors du discours d’ouverture. (Trad. dR)

L’exposition rassemble plus de 70 objets issus des collections du British Museum et de prêts d’autres musées et privés : sculptures anciennes, artefacts sacrés et oeuvres d’art contemporain.

Elle analyse la variété de perception de ce qu’est la féminité et plus particulièrement les pouvoirs qui lui sont attribués, depuis l’antiquité au monde moderne, au fil de cinq thèmes : Forces of Nature, Passion and Desire, Magic and Malice, Justice and Defence, et Compassion and Salvation (Trad. dR : Forces de la Nature, Passion et Désir, Magie et Malice, Justice et Défense, et Compassion et Salut).

La particularité de l’exposition tient dans ce que le British Museum invite d’une part des contributeurs externes, spécialistes dans un domaine, à partager leur point de vue au travers d’enregistrements audio ou vidéo sur l’un des cinq thèmes abordés, et d’autre part le visiteur à abandonner son rôle traditionnellement passif pour participer au débat, « notamment sous format numérique » précise Belinda Crerar, conservatrice et commissaire de l’exposition.

Parmi les spécialistes partageant leur savoir et analyse des objets ainsi exposés, on retrouve  le Dr. Leyla Hussein, psychothérapeute et militante internationale contre la violence l’égard des femmes, qui interviendra sur des forces de la Nature ; La professeure Mary Beard, spécialiste l’antiquité, auteure et animatrice qui parlera de la passion et du désir ; L’écrivaine primée et présentatrice du podcast How To Fail, Elizabeth Day, qui explorera le thème de la magie ; Rabia Siddique, ex-officier de l’armée britannique et avocate des droits de l’homme qui partagera ses réflexions sur la justice et la défense ; et Deborah Frances-White, l’écrivaine et comédienne connue pour son podcast The Guilty Feminist, qui explorera le thème de la compassion et du salut.

Des œuvres contemporaines revisitent les croyances ancestrales

« Le visiteur sera accueilli par la très belle œuvre en marbre de Jordanie de l’artiste jordanienne Mona Saudi, Mother Earth, acquise en 2014 par le British Museum.» (Trad. dR) nous a confié Belinda Crerar. 

Belinda Crerar, Conservatrice et Commissaire de l’exposition Feminine Power: the divine to the demonic
aux côtés de l’oeuvre de Mona Saudi, Mother Earth. Photo ⒸCécileFaure 

Mona Saudi, est décédée le 16 février dernier à l’âge de 77 ans. Elle était l’une des rares femmes artistes sculptrices du monde arabe. Ayant suivi sa formation à l’École des Beaux-Arts de Paris, elle vivait à Beyrouth, et travaillait le dessin et la peinture, inspirée des œuvres des poètes Mahmoud Darwish et Adonis, et la sculpture, amoureuse de la pierre et des volutes des strates de sédiments et rejoignant notamment l’œuvre de Brancusi. Mona Saudi explorait le corps, les concepts de croissance et de fertilité, mêlant le mouvement aux formes géométriques conventionnelles.

Le British Museum développe en effet de plus en plus ses relations avec des artistes contemporains.

Ainsi, dans le cadre de l’exposition, avec l’appui du London Durgotsav Committee qui organise le festival annuel Kali Puja dans le quartier de Camden à Londres, il a passé commande d’une icône de la déesse hindoue Kali à l’artiste bengali Kaushik Ghosh. C’est la toute première représentation de la déesse en format 3D qui entre ainsi dans les collections du musée. Belinda Crerar précise « Cette statue est ici en fibre de verre. Mais traditionnellement elles sont faites en terre, destinées à se dissoudre dans les eaux de la rivière à l’issue des fêtes et processions ». (Trad. dR)

Kali Murti, Kaushik Ghosh, India, 2022. Image © The Trustees of the British Museum

Aimée et redoutée pour son formidable pouvoir et son agressivité, Kali est la déesse de la destruction et du salut, qui transcende le temps et la mort, détruit l’ignorance et guide ses disciples vers l’illumination. Bien que superficiellement terrifiantes, les têtes ensanglantées qu’elle porte autour du coup en guise de collier représentent son pouvoir de détruire l’ego, libérant ses disciples des préoccupations mondaines. Quant à la ceinture de bras coupés, loin d’être morbide, signifie qu’elle les libère du cycle de la mort et de la renaissance par les nombreuses armes qu’elle manie.

Tiare Wahine, Tom Pico, Hawai’i, 2001, Ohi’a wood © The Trustees of the British Museum

Le visiteur fera également la connaissance de Pele (dont on ne doit pas prononcer le nom par peur du courroux divin selon la tradition), déesse hawaïenne des volcans, qui représente à la fois destruction et renaissance. Tiare Wahine (La Femme Fleur) créée par l’artiste de Tom Pico en 2001 et acquise en 2011 par le British Museum, est ” l’une de mes sculptures préférées” avoue Belinda Crerar. Sculptée dans du bois Ohi’a qui pousse sur les champs de lave principalement sur l’île de Big Island de l’archipel d’Hawaï, “les tons rouges rappellent ceux des flots de la lave en fusion auxquels font penser les cheveux de Pele.” (Trad.dR)

Lilith, Kiki Smith, 1994. Détail de la Sculpture. Photo © HylaSkopitz

Parmi les objets contemporains qui côtoient au fil des galeries de l’exposition ceux plus anciens – tels la figure en bois peint, Mami Wata, divinité de l’eau vénérée au Nigéria, indépendante, sûre d’elle même et incroyablement séduisante, ou la statuette de porcelaine chinoise du 18ème siècle représentant Guanyin, divinité capable d’écouter ceux qui se lamentent et de sauver l’humanité – , il y a Lilith. Créée en 1994 par l’artiste américaine Kiki Smith et prêtée pour l’occasion par The Metropolitain Museum of Art, elle est particulièrement saisissante avec son regard qui défit celui qui la regarde. D’après la religion juive, Lilith serait la première femme d’Adam, bannie du Paradis pour avoir refusé de se soumettre à lui et de ce fait devenu le démon-primordial.

La sculpture de bronze aux yeux bleus en verre encapsule la résistance de la femme à la soumission au mâle et à la domination patriarcale.

Cette exposition, incroyablement riche par la diversité des objets exposés et la manière dont elle interpelle, à dimension internationale de par l’origine des artefacts, le sera également dans le temps puisqu’elle partira à la fin de l’année en tournée internationale, en commençant par le National Museum of Australia à Canberra, avant d’être présentée en Espagne en partenariat avec la Fundación Bancaria La Caixajusqu’en 2025. D’autres destinations sont à l’étude mais seront annoncées ultérieurement.

Il est possible dès à présent de réserver son billet, au tarif préférentiel de £12. L’accès est gratuit pour les moins de 16 ans, et des tarifs réduits sont également proposés. https://www.britishmuseum.org/exhibitions/feminine-power-divine-demonic


The Citi exhibition Feminine power: the divine to the demonic 

Du 19 mai au 25 septembre 2022

The British Museum, Great Russell Street, London
The Joseph Hotung Great Court Gallery