Change NOW 2022 – Propositions, Innovations et Interrogations
Le salon Change NOW 2022 s’est tenu du 19 au 21 mai au Grand Palais Éphémère à Paris. L’événement retrouvait en chair et en os ses partenaires, intervenants, exposants et visiteurs pour la première fois depuis la pandémie, les rencontres ayant été en ligne lors de l’édition de 2021.
Tumulte aux pieds de la tour Eiffel
Change NOW avait eu lieu sous la voute du Grand Palais en janvier 2020. Deux ans plus tard, c’est aux pieds de la Tour Eiffel, autre ouvrage emblématique du génie civil français, que le salon a pris ses quartiers pour trois jours.

L’espace d’exposition et de conférence était divisé en plusieurs sections. Les 261 stands des exposants en occupaient le cœur, formant un dédale de propositions, inventions et innovations, organisé par secteur de l’économie.

Chaque stand comportait un panneau de contreplaqué sur lequel on trouvait le logo de l’association, de l’entreprise, de l’institution, et un très court texte en guise d’introduction de l’activité et de la raison de sa présence (levée de fonds, développement de partenariats). Il fallait toutefois s’enquérir auprès du représentant de l’organisation pour mieux appréhender la proposition mise en avant. Et ce n’était pas une mince affaire compte tenu de l’affluence.

Des conférences et ateliers de réflexion étaient organisés tout au long des trois jours en six lieux différents (Gaïa, Garden, Canopy, Sunrise, Earth Village, Eiffel) selon un programme chargé.

Il était impossible d’assister à l’ensemble des assemblées, et force était de choisir un ou deux thèmes de réflexion, et de montrer patte blanche pour certaines réunions auxquelles il avait fallu s’inscrire avant en respect de son activité professionnelle. Toutefois, la magie du numérique aidant, l’ensemble des conférences et ateliers a été enregistré pour être visionné ultérieurement, et est encore disponible sur le site web de ChangeNOW (en date de publication de cet article).

Est-ce le lieu qui voulait cela, le retour à une organisation en présentielle d’un évènement incroyablement dense ? Il y a eu quelques problèmes dans la gestion des entrées des visiteurs, l’impression des programmes, la représentation des intervenants, mais dans l’ensemble il faut reconnaître que le tout était plutôt bien orchestré.
Il faisait un peu chaud certes. Mais heureusement que le soleil était de mise, car il faut concéder que les exposants se trouvant à l’extérieur, comme les food-trucks des restaurateurs, ou tout simplement les visiteurs, auraient été bien ennuyés si le climat avait été moins clément.

Art et expression artistique étaient aussi de la partie, au coeur du salon, sous la nef : de luminaires-constellations en bambou indiquant le chemin à suivre pour un monde plus durable aux dessins dénonçant la pollution des océans, de l’imposante présence d’une planète Terre à l’exposition de photos-hymnes à la nature, d’une installation faite de pierres man-made à la création d’une fresque pour la protection de l’environnement.






Occasion de s’interroger sur la place de l’art dans le processus de sensibilisation à l’urgence climatique, environnementale et sociale, et de demander aux artistes de répondre à cette question – voir nos articles publiés ici
Voici pour la forme. Quid du fond ?
Sommet International ou Salon professionnel
Les organisateurs ont choisi dès le départ de présenter Change NOW sous l’angle de la philanthropie, proclamant sa raison d’être comme The World’s Largest Event for the Planet. LE sommet international à faire pâlir d’envie la COP, le G, l’Union Européenne réunis, ouvert à tous et pas seulement aux grands, LA solution imparable pour sauver la Terre et ses habitants, humains ou pas !

Il est vrai que le line-up, comme on dit an anglais, des célébrités et spécialistes est surprenant chaque année. Cette saison a été marquée notamment des prises de parole de Bertrand Picard, défenseur des principes écologiques et fondateur de Solar Impulse, de celle de l’explorateur Mike Horn, de la biologiste Jane Goodall, de la première ministre de Nouvelle Zélande Jacinda Ardern, de Simon Kofe Ministre de la Justice, de la Communication et des Affaires Etrangères de Tuvalu, du directeur du film Don’t Look Up Adam McKay, du Professeur Mark Maslin auteur notamment de The Human Planet- How We Created The Anthropocene ou de How To Save Our Planet – The Facts;

de l’intervention de représentants de grands groupes tels Axa, BNP-Paribas, KPMG, l’Oreal, Renault ou Saint-Gobain ; d’institutions comme l’ADEME, la Commission Européenne et l’EIB, l’OMS, l’UNESCO, l’OCDE ou UNDP ;

mais aussi de chefs d’entreprise qui révolutionnent l’industrie et les habitudes de consommation.

L’anglais a été la langue de prédilection pour de nombreuses conférences, pas seulement parce que les intervenants été non francophones. Était-ce pour en garantir l’envergure internationale ? Certains ont pu s’en plaindre, argumentant que le salon se tenait en France, et qu’il aurait été de bon ton d’en promouvoir le rayonnement au travers du choix de la langue française. Le public ne semblait pas outre mesure gêné par ce choix, mais la question est tout de même justifiée : cela suppose que le visiteur ou l’intervenant parle un anglais courant, et potentiellement limite l’aura de la manifestation (si elle veut vouloir toucher le plus grand nombre).
Mais c’est là la question, car à bien y regarder, ce sommet ressemble aussi et peut être encore plus cette année, à un salon professionnel pour start-ups et PME en recherche de financement ou de partenariats, pour promouvoir leur invention ou innovation, ou donner une impulsion à la prochaine étape de leur croissance. Et c’est bien la deuxième ligne du slogan de Change NOW, qui se veut le vecteur de l’accélération vers un futur plus durable en proposant ici une plateforme d’échange et de mise en relation des héros du changement.

Les propositions sont-elles vraiment en accord avec le mieux-être de la planète ? Les inventions et innovations ont-elles un impact positif, qu’il soit écologique, économique, ou social ? Quels sont les critères de sélection des organisateurs hormis potentiellement la location d’un espace d’exposition pour rentrer dans leurs frais ? Restons positivement critiques…

Les solutions exposées sont en effet pour la majorité sur la droite ligne de la durabilité. La liste est longue, très longue. Change NOW 2022 https://www.changenow-summit.world/paris-2022/en/content/world-expo a réuni 261 exposants, exerçant leur activité dans des domaines aussi variés que l’agriculture, l’assurance, la banque, le bâtiment (ex: Gramitherm : fabrication de panneaux isolants à partir d’herbe “perdue” ou Neolithe : transformation de déchéts plastiques en materiaux de construction),

Co-fondateur et Président de NéoLithe – Crédit Photo ©CécileFaure
l’industrie, l’énergie (WindMyRoof : développement d’une turbine-éolienne combinée à des panneaux solaires pour les toits plats des immeubles), la mobilité (Revolvair weelchair : une chaise roulante qui s’impose par sa légèreté et ses dimensions lorsque pliée), la mode (Orange Fiber : mise au point d’un textile organique à partir des déchets de l’industrie agroalimentaire des agrumes), la santé et la nutrition, etc.

On note aussi la digitalisation du monde qui nous entoure, le nombre croissant d’apps développées, à la pointe du pouce et de l’index, qui se veulent vecteur d’optimisation de la consommation et de l’investissement, de la réduction de l’empreinte carbone des uns et des autres. Difficile en fait de mesurer leur réalité, leur bien fondé… et de justifier de s’interroger sur le rôle, positif ou négatif, du numérique dans la protection de l’environnement, le développement d’habitudes de consommation (matérielle et dématérialisée), l’accès à l’information vérifiée et à l’éducation, etc.

Les discours ne sont pas avares de superlatifs. La répétition, à risquer de les user, des mots propres au vocabulaire de l’écologie fait écho au sentiment d’avoir embarqué sur une Arche de Noé pour un monde meilleur. Pour nombre d’entre elles, ce sont des propositions de petits pas vers des gestes plus sains au quotidien. Seront-elles adoptées ? Seront-elles économiquement viables ? Répondront-elles véritablement aux besoins et engagement du consommateur, de l’industriel, du décideur public ? Les exposants rentreront-ils dans leurs frais et trouveront-ils les vecteurs de l’essor souhaité ?
Le Grand Public était attendu le samedi 21 (ticket d’entrée €29). Ce sont alors probablement les exposants proposant des solutions d’assurance vie, de banque verte, de recherche d’emploi, d’éducation qui auront tiré leur épingle du jeux. Mais dans l’ensemble, le visiteur, aura pu assister à des conférences et se sera éduqué sur les changements qui s’opèrent autour de lui. Le tout créant certainement, toutes générations confondues, une émulation à la vues des solutions d’aujourd’hui et possibilités de demain, pour réfléchir et adhérer aux gestes durables, pour adresser les défis environnementaux et sociaux qui se présentent à nous.

La finance verte dans tous ses états…
Lors du salon de 2020 (couvert par l’auteur et re-posté sous forme de podcast C14Media Change NOW 2020 sur la plateforme Spotify ), la sphère financière été essentiellement représentée d’une part par les stands des plateformes de financement participatifs telles KissKissBankBank, Leechti ou Ulule,
Le Baromètre sur le financement participatif, en France, publié par le cabinet Mazars pour l’année 2020 révélait en effet une croissance de 62% du crowdfunding [répartis entre dons (21,4%), de prêts (72.8%) et d’investissement (5,8%)] par rapport à 2019, avec plus d’un milliard d’euros collectés, ayant financé 115 616 entreprises ou projets. La répartition des fonds levés au sein des sphères économique, culturelle ou sociale était très différente en fonction de leur origine. Les dons, majoritairement (66.8%) sans récompense, s’orientaient respectivement vers l’environnement (30%), l’art plastique et spectacles vivants(57%), et l’humanitaire et solidaire (63%). Les prêt, à 89% sous forme d’obligations, se répartissaient respectivement entre ces trois sphères, à 75% pour l’immobilier, à 100% pour l’édition ou publication, et le sport (57%) et l’humanitaire et solidaire (40%). Enfin l’investissement (en capital, 96.4%) préférait l’environnement (31%), l’édition (97%) et l’éducation (44%). Ce sont les projets des particuliers (46,8%) et des acteurs de l’économie sociale et solidaire (37.3%) qui ont pour l’essentiel bénéficié de ce financement participatif, les start-ups ne représentant que 2,5% des projets financés.
et d’autre part par la réflexion engagée sur le développement nécessaire d’outils d’évaluation adéquate de l’impact environnemental et social de politiques ou choix d’investissement dits “verts”, et notamment des mesures RSE, ESG et label ISR de fonds d’investissement.
Un an plus tard, le Baromètre sur le financement participatif montre une croissance exponentielle de ce mode de financement de projet (+84%) avec 1,88 milliards d’euros collectés en 2021 [dons (10.5%), de prêts (84%) et d’investissement (5.5%)] qui ont financé 168 712 entreprises ou projets. La répartition des fonds levés montre une orientation de plus en plus favorable aux secteurs de l’environnement et de l’humanitaire et solidaire. Les dons, majoritairement (66.8%) sans récompense, s’orientent respectivement vers l’environnement (33%), l’audiovisuel et la musique, et l’humanitaire solidaire. Les prêts, à 82% sous forme d’obligations, se répartissent respectivement entre ces trois sphères, à hauteur de 73% pour l’immobilier, de 93% pour le patrimoine, et de 78% pour l’humanitaire et solidaire. Enfin l’investissement (en capital, 98.4%) préfère désormais l’environnement (50%), l’édition (93%) et l’humanitaire et solidaire(58%). Ce sont toujours les projets des particuliers (62,3%) et des acteurs de l’économie sociale et solidaire (29,5%) qui bénéficient pour l’essentiel de ce financement participatif, les start-ups ne représentant encore que 2,6% des projets financés.
En 2022, ces acronymes sont de tous les discours. Le mot IMPACT est de quasiment tous les titres ou sous-titres, de la conférence (ex: Social investment on the rise ; Dessine moi une licorne à impact) au workshop (ex: La RSE: une évolution en profondeur devenue priorité stratégiques des entreprise ; Impact and Biodiversity ), mais aussi clairement dans la représentation qui en est faite par les stands qui fleurissent – pas moins de 36 rangés dans la catégorie Accelerate et 34 dans celle de l’Economie Circulaire.

Ce qui change fondamentalement, depuis deux ans, c’est la multiplication de l’offre issue de la sphère financière, et qui fait écho à la transformation numérique du système bancaire. Le bas de laine se dématérialisée, tirant parti de l’extension physique de l’individu par son téléphone et les apps (applications) qu’il utilise, et se verdit.

Le secteur de la finance et de l’assurance tente de se refaire une vertu pour attirer les économies des jeunes, des actifs et des retraités, en proposant des produits d’épargne et d’investissement proclamés respectueux de l’environnement et d’un mieux être social, délaissant les entreprises associées notamment au secteur des énergies fossiles, de l’agriculture dite de l’OGM, de consommation de masse, du Web… Et alors que le greenwashing n’échappe presque plus à personne, le besoin évident d’une évaluation et d’une labellisation fiable de cet investissement à l’impact positif se fait de plus en plus pressant.

La conscience de l’individu, devenu acteur à part entière de l’action contre le changement climatique et la pollution d’origine anthropocène, est sollicitée et le retour sur investissement se veut désormais valorisé non pas en termes financiers mais en termes d’impact positif. Le particulier, l’organisme ou l’entreprise devient porteur de projets économiques sans autre bénéfices que celui de pouvoir proclamer avoir participer à l’essor d’une solution plus écologique, plus durable, plus responsable… à l’impact carbone réduit !

Ainsi définie est la proposition de Time For the Planet, partenaire de Change Now2022 (tenue d’un stand et organisation de conférences). L’entreprise lyonnaise a lancé sont activité en 2019. Forte d’un savoir-faire marketing évident et percutant (“Pisser sous la douche ne suffira pas”), elle émet des actions sans retour en dividende. L’idée est de participer au financement de jeunes entreprises dont l’objet, l’innovation, est favorable à la planète. Clairement, Time for the Planet surfe sur l’envie de pouvoir agir concrètement alors que l’on est bombardé de faits et statistiques alarmants, et l’émulation entre pairs : qui ne souhaite pas faire partie d’un groupe d’individus reconnus comme bienveillants et responsables ?!
L’entreprise n’est pourtant pas une association caritative, ses dirigeants et salariés ne font pas don de leur temps gratuitement : 10% des fonds levés sont attribués au fonctionnement de l’entreprise. Initialement l’entreprise proposait de lever 1 milliard d’euros et de financer 100 projets à impact positif pour la planète d’ici 2030. Pour l’instant (en date de publication de l’article) ce sont 54 533 associés qui ont apporté 10 635 115 d’euros et ont financé 3 projets : Beyond the Sea (€1000 000), Leviathan Dynamics (350 000€), Carbon Impact (Carbon Time) (1 500 000€), évalués et choisis par un pool d’associés auto-déclarés évaluateurs.
À Change NOW2022, Time For The Planet a présenté lors d’une conférence The Climate Dividend, une proposition de titrisation et donc valorisation possible sur un marché boursier de ce fameux dividende à impact positif attaché aux actions vendues à ses associés-actionnaires. Est-ce la reconnaissance des limites de sa proposition initiale, à savoir que dans la majorité des cas l’individu attend malgré tout un retour pécuniaire de son investissement et ce à l’horizon des impératifs de court-moyen terme inhérents aux étapes de sa vie, ou une proposition qui mérite de s’interroger sur son positionnement par rapport à l’essor de la finance carbone ? (objet d’un article en devenir et pour lequel nous recherchons des intervenants).
Change NOW2022 a duré trois jours, a réuni 261 exposants et presque autant d’innovations, a proposé près de 140 conférences et ateliers de présentations et réflexions, et a accueilli un nombre de visiteurs estimés à 30 000, dont 800 déclarés investisseurs. Ce salon se proclame aujourd’hui comme l’évènement international incontournable en faveur de notre one and only planet. Clairement il n’est pas le seul, nombreux sont les conférences et sommets qui s’organisent dans nos capitales occidentales pour tenter de répondre à l’urgence climatique, environnementale et sociale.
Au-delà des mots, ce sont les actions qui priment comme le rappelle l’adage, et de reconnaitre avant tout l’importance de la proposition faite par ceux qui s’interrogent, interpellent, réfléchissent, optimisent, se mobilisent, inventent et innovent, et forts de leur courage, se lancent dans l’aventure de l’entrepreneuriat, ou de l’action caritative et associative.